L'éloge du risque...
Anne DUFOURMANTELLE - ÉDITION - ANNÉE /
« … Le rêve a rapport à l’effroi et au fantasme. Le rire aussi. Il est un retournement de l’effroi en douceur, de l’interdiction en laissez-passer mais il garde encore avec lui quelques traces de la terreur surmontée. Le rire n’est pas une substance simple, il est enroulé dans une trame complexe qui l’apparente à la construction d’un rêve dont il ne nous reste plus qu’une bride, une image saisissante, le moment où le rire éclate, où la joie se diffuse est le stade terminal d’une germination subtile. Il y a, dans le souvenir de nos rêves, dans les bribes qui se déposent en nous, le fantasme mêlé à l’image venue du corps lui-même, l’interdit opéré par la censure (certaines choses sont interdites de pensée – non parce qu’elles seraient « indécentes » mais parce que trop proches du trauma) et l’envie, le déplacement de l’essentiel vers le détail, comme un art éprouvé du camouflage. Le risque du rêve, c’est de signifier au rêveur que le chemin est toujours second, il est toujours, comme le disait Kierkegaard, une reprise. Il nous signifie, il le dit à l’enfant en nous, à cet éternel revenant qui pleure la disparition d’un monde perdu : tu n’auras pas réparation, pas à l’identique, et tu n’auras peut-être rien du tout. C’est difficile, et pourtant ça n’amène pas à la résignation ; là s’invente un chemin où il n’y en avait pas. Et le rire, cette fois se fait l’allié du rêve, pour dire à son tour que s’est ouvert, hors de l’impasse, une étrange résolution, un loup qui ne serait pas inquiétant mais absurde et drôle. Un loup idiot en somme… »